Communiqué de presse
Lettre rectificative au projet de loi
relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
De bonnes et de "fausses" bonnes mesures pour les élus
Hier matin, à l'occasion du Conseil des ministres, Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, les ministres chargés de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, ont présenté une lettre rectificative au projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, qui sera examiné par le Sénat durant l'automne. Cette lettre rectificative, qui complète ce projet de loi élaboré dans la continuité du "Grand débat national" pour "ajuster les équilibres au sein du bloc local et encourager l’engagement dans la vie publique", comporte principalement deux séries de mesures.
La première a pour objet de conférer aux maires de nouveaux pouvoirs pour faire cesser des désordres trop souvent constatés dans les communes. En ce sens et en application des dispositions présentées hier, les maires auront la possibilité d’imposer des astreintes financières journalières pour faire mettre en conformité des constructions irrégulières, et pourront prononcer des amendes pour des arbres ou des haies posant des problèmes de sécurité sur la voie publique, ou encore pour des encombrants ou des occupations irrégulières sur la voie publique. Ces dispositifs vont incontestablement dans le bon sens, car ils permettront aux maires de pouvoir faire cesser utilement un certain nombre de désordres dans leur commune, face auxquels ils se sentent aujourd'hui totalement démunis. Des exemples locaux ou nationaux parus ces dernières semaines dans la presse ou les médias en témoignent malheureusement.
La deuxième a pour objet de permettre une meilleure indemnisation des maires, afin de mieux tenir compte de la réalité de leur engagement. Dans cette optique, les dispositions présentées hier en Conseil des ministres prévoient que pour les communes comptant jusqu’à 3.500 habitants, les conseils municipaux pourront décider librement de la rémunération de leur maire, dans la limite du plafond fixé pour les communes de cette taille. Si, sur le principe, cette mesure est louable dans son orientation, en l'état actuel du système d'indemnisation des élus locaux elle sera totalement inopérante en pratique.
Pour bien comprendre les choses, il faut savoir qu'aujourd'hui le plafond des indemnités en vigueur pour les maires des communes de 1000 à 3.500 habitants est de 1672,44 euros bruts mensuels et que toutes les indemnités versées aux élus locaux sont financées par le budget des collectivités. Dès lors, il ne paraît pas réaliste d'imaginer que les conseils municipaux de toutes les communes dont la population est inférieure à 3.500 habitants voteront un tel niveau d'indemnisation, qui de toute façon ne pourra pas être supporté par leur budget. Cette réserve est également exprimée par le Conseil national d'évaluation des normes et les représentants des élus qui y siègent. Selon cette instance, cette modification du régime des indemnités est susceptible d’engendrer une "augmentation substantielle des charges pour les plus petites collectivités territoriales, en particulier en milieu rural, estimée a? 457,59 millions d’euros dans l’étude d’impact", d'autant qu'aucune revalorisation de l’enveloppe dévolue a? cet effet aux collectivités territoriales n’est prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Enfin, dans un contexte où l'opinion publique est particulièrement exigeante concernant l'utilisation des deniers publics et l'indemnisation des élus de la République, il n'est peut-être pas opportun d'augmenter sensiblement l'indemnité des maires de 138,71 % dans les communes de moins de 1.000 habitants, et de 152,94 % dans celles de moins de 500 habitants*.
En réalité, si l'on ne peut qu'être favorable à la revalorisation des indemnités des élus, notamment ruraux, pour être effective elle suppose une refonte globale du système et surtout un réel accompagnement financier de l’Etat. Sur ce dernier point à vrai dire, il n'y aurait rien de particulièrement choquant à ce que les maires soient directement indemnisés par le budget de l'Etat, étant donné qu'ils sont ses représentants dans la commune où ils ont été élus. Cette solution aurait également le mérite de soustraire de l'ordre du jour des réunions des conseils municipaux les débats sur ces questions, toujours sensibles et délicates. Enfin, la revalorisation de l'engagement dans la vie locale ne doit pas se limiter à une seule question d'argent ou de statut des élus. Elle implique plus encore des mesures "symboliques" et "concrètes" de la part de l'Etat au quotidien : soutenir les élus lorsqu'ils sont en difficulté ; simplifier drastiquement les démarches administratives et réduire considérablement les normes qui pèsent sur les collectivités ; donner pleinement les moyens aux élus pour pouvoir mener à bien leurs projets ; faire à nouveau de l'école une réelle fabrique de l'esprit civique et de la citoyenneté, pour que les enfants apprennent dès leur plus jeune âge à respecter la République et ses institutions ; etc. En tout état de cause, la revalorisation de l'engagement au service de l'intérêt général ne pourra pas être satisfaite par des mesures uniquement financières, d'autant qu'elles sont insupportables financièrement pour les communes, présentées seulement quelques mois avant les élections municipales de 2020.
* Barèmes d'indemnisation en vigueur des maires dans les communes dont la population est inférieure à 3.500 habitants :
-> communes de moins de 500 habitants (661,20 euros bruts mensuel, pour 18.717 communes en France au 1er janvier 2018) ;
-> communes entre 500 et 999 habitants (1.205,71 euros bruts mensuels, pour 6.771 communes en France au 1er janvier 2018) ;
-> communes entre 1000 et 3.499 habitants (1672,44 euros bruts mensuels, pour 6723 communes en France au 1er janvier 2018).